Crédits d'impôt à pas de tortue

Publié le 21 avril 2016 par La Presse | Écrit par Stéphanie Grammond

Si vous remettez votre déclaration de revenus en retard - ne serait-ce que d'une journée -, le fisc ne vous fera pas de cadeau. Mais quand il est question de payer, Revenu Québec n'est pas aussi pressé.

Certaines PME québécoises n'en finissent plus d'attendre les crédits d'impôt pour la recherche et développement. Alors qu'Ottawa paie en un mois ou deux, Québec allonge l'argent à pas de tortue. Certaines entreprises ont déjà patienté plus d'un an et demi. Leur fonds de roulement tournait pas mal carré !

« Ã‡a pose un réel problème de liquidités Â», constate Nicole Martel, présidente-directrice générale de l'Association québécoise des technologies.

Pourtant, c'est Ottawa qui détermine l'admissibilité des dépenses au crédit d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental (RS&DE). Après avoir donné le feu vert sur le plan technique, l'Agence du revenu du Canada (ARC) verse rapidement sa part, soit un crédit variant entre 15 % pour les grandes entreprises et 35 % pour les PME, grosso modo.

Mais de son côté, Revenu Québec prend beaucoup plus de temps pour donner la sienne, qui permet à l'entreprise de récupérer entre 14 % (grandes entreprises) et 30 % (PME) des dépenses.

Le problème n'est pas nouveau. Il a déjà été dénoncé, notamment devant la Commission d'examen sur la fiscalité québécoise, en 2014.

Revenu Québec a d'ailleurs mis en place un plan d'action au printemps 2015 afin de redresser la situation. « Nous étions conscients que des améliorations étaient nécessaires Â», rapporte son porte-parole Stéphane Dion.

Depuis un an, la situation s'est améliorée. Pour l'exercice 2015-2016, le délai moyen de traitement des déclarations originales d'impôt comportant un crédit de RS&DE est de 123 jours, soit environ quatre mois.

De plus, l'inventaire du nombre de demandes en traitement, pour l'ensemble des crédits d'impôt aux entreprises, a diminué de moitié depuis un an. Et le nombre de plaintes relatives au traitement des crédits d'impôt pour les entreprises a chuté de 153 à 17 depuis deux ans.

Bravo ! Mais les délais demeurent plus longs qu'à Ottawa. Sauf que les entreprises qui doivent patienter plus longtemps sont souvent celles qui n'ont pas fourni toute l'information nécessaire, indique Revenu Québec.

Quoi qu'il en soit, les délais ont un coût : les entreprises sont forcées d'emprunter en attendant leur crédit. Comme il s'agit théoriquement de financement à court terme, les taux d'intérêt s'élèvent facilement à 8-12 %, voire davantage.

« Ce n'est pas acceptable que Québec se finance sur le dos des PME », dit Mme Martel.

L'attente des crédits est très angoissante pour certaines entreprises. 

« C'est difficile de "patcher" avec du financement temporaire. Certains entrepreneurs ont tellement de stress qu'ils finissent par couper des salaires », explique Guy Gauthier, président de RDQ, une firme spécialisée dans la réclamation de crédits d'impôt à la RD.

L'attente est particulièrement difficile à vivre pour des entreprises en émergence qui ont beaucoup de dépenses, mais pas encore de revenus. « Les délais élevés de traitement engendrent l'insécurité et peuvent mettre l'entreprise en péril Â», affirme M. Gauthier.

Dire que les crédits ont pour but d'aider les entreprises ! Québec consacre énormément d'argent à la RD. L'an dernier, le crédit RS&DE lui a coûté un demi-milliard (469 millions).

Pourquoi ne pas offrir un remboursement par anticipation ? Évidemment, Revenu Québec veut assurer un contrôle efficace dans l'intérêt de tous les contribuables. Mais il pourrait au moins en remettre une partie à l'avance.

Ou alors, pourquoi ne pas simplifier les règles ?

Il y a deux ans, Québec a changé les règles, dans la foulée des restrictions budgétaires. Désormais, la première tranche de 50 000 $ de dépenses annuelles n'est plus admissible au crédit. Les entreprises auraient préféré ne pas avoir cette franchise de 50 000 $, quitte à recevoir un crédit inférieur.

En fait, elles auraient souhaité que Québec harmonise ses règles avec celles du fédéral, comme dans les autres provinces. Au final, le coût du programme serait le même. Mais on se débarrasserait des particularités, des calculs compliqués et des délais.